CHEERLEADER!

Pour inaugurer cette année 2021, j’ai eu envie de vous préparer un article mi-boîte à outils, mi-carte de vœux. Pour une fois, je l’ai rédigé juste avant de le publier, car, après plusieurs semaines avec un petit moral et ce que je peux appeler une légère « crise de foi », j’avais bien besoin d’exhumer la Pom-Pom Girl qui est en moi, au moins autant que j’ai envie de partager avec vous ses préceptes.

Être sa propre Cheerleader, c’est savoir que personne ne va frapper à notre porte. Ni le ou la partenaire idéal, ni le job de notre rêve, ni la solution à tous nos problèmes. Il va falloir les conquérir nous même. Et, pour cela, il faut à la fois comprendre qu’il n’existe de légitimité que celle que l’on s’accorde, et qu’il est essentiel de travailler à avoir confiance en soi, à pouvoir compter sur soi, à pouvoir s’engager pour soi.

Je sais que nous sommes parfois face au vide, face aux abysses, que nos vies peuvent faire des nœuds inextricables, nous plaquer au sol, que la vie même n’existe parfois plus que dans les vas-et-vient de nos respirations. Pour quitter ces états qui mobilisent toutes les facultés nécessaires à notre survie, il n’y a qu’un chemin : celui des petits pas.

Plutôt que de prendre des résolutions drastiques, pourquoi ne pas plutôt dresser des priorités, donner une direction à ses efforts et son travail. Il est irréaliste de penser pouvoir tout transformer, ou en tout cas de nourrir l’espoir de le faire rapidement. Au début de mon parcours de rétablissement, j’ai beaucoup fonctionné par à-coups. Du jour au lendemain, je me forçais à reprendre en main mon alimentation, à faire du sport trois fois par semaine, à réduire la cigarette et que sais-je encore… Je faisais une violence inouïe à mon corps et mon esprit endoloris par des mois de survie primaire. Je tenais quelques jours, au mieux quelques semaines, avant de replonger dans l’inertie, et parfois dans la même douleur puisque j’imaginais que je venais de me prouver que reprendre les rennes de ma vie était impossible !

Aujourd’hui, régulièrement, je réajuste ma boussole, je négocie un nouveau cap. Parfois même, je fais volte face. Il m’arrive de me tromper, mais il y a toujours quelque chose à apprendre. Je ne mène plus mille chantiers en même temps, mais je sais que je n’aurai jamais fini d’apprendre et de me transformer.

Ainsi, aujourd’hui, une de mes grandes priorités est de continuer à travailler l’écriture. Une seconde est d’être plus régulière, notamment sur le plan social, j’ai envie de moments de partage pour contrebalancer la solitude de l’écriture, j’ai envie de développer les cours de crochet que j’ai commencé à donner récemment dans un GEM que j’adore, je pense aussi à des ateliers d’écriture, et peut-être à rejoindre une association culturelle (vais-je enfin oser prendre des cours de danse?). Une de mes priorités reste encore, et ce depuis l’émergence de mes états extraordinaires, de prendre mieux soin de moi, de mon corps, de mes rythmes, de mon alimentation, de ma spiritualité.

Bien sûr, il y a des choses que je ne maîtrise pas. Des milliards de milliards de choses que je ne maîtrise pas. J’espère par exemple que 2021 m’offrira la possibilité d’étoffer mes compétences de guide-conférencière mais l’horizon semble un brin bouché… Je préfère me concentrer sur ce qui est à ma portée.

Je donne une direction à mes envies et à mes projets, puis, j’essaye de les envisager en une multitude de petites étapes qui vont me permettre d’avancer. Des petites étapes, des tâches, des bouteilles à la mer qui me sont toutes accessibles. Des petites étapes, des temps choisis qui me rapprochent de mon objectif, ou qui me permettent de tâtonner dans une direction que je pense juste pour moi.

Parfois c’est juste un coup de fil, un mail, une balade, un repas entre amis… Parfois il faut s’armer de courage, il faut réaliser un tour de force, il faut créer de la régularité dans le chaos. Mais si on l’encourage, si on chemine avec elle, dans ces moments là, la Cheerleader est une magnifique compagne. Elle nous permet de transformer le stress en excitation, de transformer l’inconfort en défi, d’abattre la somme de travail colossal qui est nécessaire…

S’il y a des milliards de choses que je nous ne maîtrisons pas, ce n’est pas grave, puisqu’une de nos facultés les plus puissantes est celle qui nous permet de choisir le regard que l’on porte sur le monde.

Redessiner les contours de sa vie, de ses désirs, de son amour propre prends du temps ! S’il est un savoir que mon parcours de rétablissement n’a cessé de confirmer, c’est que l’optimisme, la bienveillance pour soi et pour l’autre, la foi en ses propres compétences, en l’avenir, la capacité à rêver se construisent, se documentent, se vérifient, sont mises à l’épreuve. Souvent, il faut croire avant de savoir. Il faut se lancer dans la vie, ou dans la nouveauté pour réaliser ce dont nous avions toujours eu besoin.

Cela demande un certain regard. Ce n’est pas un regard béat, mais un regard réaliste qui veut dépasser les problématiques et les impasses auxquelles nous pouvons être confrontés. C’est la curiosité et l’imagination qui permettent et facilitent chaque décision, chaque pas sur un chemin qui nous fait du bien.

Cela demande de la patience, cela demande de la douceur. Cela demande d’apprendre à demander de l’aide, jusqu’à ce que demander de l’aide soit naturel. Cela demande d’éprouver de la gratitude pour ceux qui sont engagés auprès de nous, pour ce dont nous disposons, ce qui est accessible, ce qui est possible. C’est voir le verre à moitié plein, jusqu’à l’en faire déborder !

Cela demande d’être engagé envers soi-même, car c’est une condition essentielle à notre capacité à nous engager auprès de l’autre. C’est savoir écouter ses tripes, comprendre ses émotions, développer son intuition.

Je suis, tous les jours, ma propre Cheerleader. Je me fais des discours d’encouragement, je célèbre les victoires, je savoure le bien-être qui est la récompense d’un travail soutenu, ou d’un effort important. Je suis aussi là pour me consoler, me rassurer, me mettre un coup de pied au fesse ou au contraire me forcer à me reposer.

Rien ne vous empêche de vous mettre un petit mot gentil sur le miroir de votre salle de bain, ou d’écrire un vrai discours d’encouragement dans votre agenda, ou un rappel sur votre téléphone qui vous dis « tu vas assurer » avant un rendez-vous important. Usez et abusez de post-its, entamez un nouveau carnet ! N’ayez pas peur, même à voix haute, de vous apporter un peu de chaleur, de force et de courage ! Pour vous aider, trouvez vous des compagnons : des livres, de la musique, les paroles d’auteurs, de penseurs…

La vie sera toujours en nuances. Elle ne sera jamais toute rose. Elle n’est jamais toute noire non plus, hormis lorsqu’on est traversé de certaines vagues immenses de désespoir. Je veux que vous sachiez que, même dans ces moments, vous n’êtes jamais seuls. Les pensées de vos proches vous accompagnent, et, aujourd’hui, les miennes. Nos pensées vous souhaitent de trouver l’amour et la force en vous, le sursaut qui va vous permettre de continuer, de sortir grandi de ces épreuves.

Parfois, prendre soin de soi c’est prendre des décisions difficiles. C’est s’éloigner de quelqu’un qui nous fait du mal, c’est reprendre une formation, c’est déménager loin de ceux qu’on aime pour mener à bien un projet…

Prendre soin de soi, c’est un travail d’introspection, mais pas pour l’amour de l’élucubration et de la masturbation cérébrale, non. C’est un travail d’introspection pour simplifier, pour laisser mourir qui ne nous sert plus, pour faire germer et fleurir une façon de nous penser et de penser le monde qui nous fait vraiment du bien.

Prendre soin de soi, c’est apprendre à se protéger, apprendre à reconnaître les propositions d’aide, apprendre à reconnaître les relations qui nous font violence, ou qui ne nous conviennent plus. Je crois sincèrement que pour travailler à être quelqu’un de bien, quelqu’un qui a un impact positif sur la vie des autres, il faut savoir poser des limites.

On peut tout à fait participer à œuvrer tous les jours pour un monde meilleur, développer un amour inconditionnel pour l’humanité et la nature, sans pour autant se laisser marcher sur les pieds, se laisser intoxiquer par ceux dont les actions envers nous ou envers le monde ne sont pas bienveillantes. Encore une fois, je ne fais pas l’éloge de la béatitude. La cheerleader est aussi une guerrière qui sait quand la rupture doit être consommée, elle sait dompter et dépasser ses propres peurs.

Être sa propre cheerleader, c’est aussi prendre des engagements moraux et éthiques envers soi-même, envers l’autre, envers le monde, et être capable de se défendre et de défendre ces engagements.

La ritournelle se joue depuis la nuit des temps : On n’aide pas l’autre si on ne s’aide pas d’abord soi-même.

Voilà, chères lectrices, chers curieux, l’essentiel de ce que j’avais envie de partager avec vous, en ce début d’année. 2020 nous a éprouvé de bien des façons, et la séquence difficile qui s’est ouverte est loin d’être refermée. Pour autant, plus que jamais, il est important de cultiver nos jardins, de prendre soin de nous, de ceux qu’on aime, de tendre une main vers celles et ceux qui ont faim, qui on froid, qui ont peur. En 2021, apprenons à faire entendre nos voix, de plus en plus fort.

Cher lecteur, chère curieuse, si tu es au milieu de la tempête, sache qu’un phare ou une bouée de sauvetage n’est pas loin, tiens bon ! Profite de chaque seconde de clarté, de bien-être, profite de chaque pensée de chaleur et de joie que tu peux attraper, accroche toi à eux, chéris-les. Tiens bon. Le ciel se dégagera bientôt, et tu auras besoin de toutes tes forces pour agir.

Pour tous ceux et toutes celles d’entre vous en chemin vers le rétablissement, je vous souhaite de trouver des thérapeutes qui vous conviennent, je vous souhaite de construire le savoir et les outils qui vous sont nécessaires. Je vous souhaite bien sûr beaucoup de courage, mais aussi de trouver la réussite dans ce que vous entreprendrez.

Pour vous, chers aidants, je vous souhaite de pouvoir partir à la conquête de vos rêves et de vos envies, je vous souhaite de vous ménager. Je ne peux que vous inviter à connaître vos limites, je sais toute la force et la patience qu’il faut pour accompagner vos proches vers l’autonomie et l’émancipation. Ne culpabilisez pas de prendre soin de vous, même lorsque cela implique de prendre de la distance, de prendre une position ferme pour vous protéger. Parfois, il nous est difficile de vous remercier comme il se doit, permettez moi, ici, de vous saluer et de vous remercier, vous êtes celles et ceux qui nous tenez en vie. J’en profite aussi pour remercier ici les bénévoles des associations de familles et d’aidants qui mènent une bataille de longue haleine pour nos droits.

Chers soignants, infirmières, psychiatres, psychologues, médecins généralistes, aides-soignants, assistantes sociales, éducateurs, animatrices, avant de vous remercier j’ai besoin de vous inviter à, comme déjà nombre d’entre vous, utiliser tous vos savoirs, toutes vos compétences et toute votre humanité pour œuvrer à la création d’une société plus accueillante pour nos différences, et d’un soin qui participe vraiment au rétablissement du sujet dans toutes ses dimensions. Soyez créatifs, débordez les cadres, dépoussiérez la discipline ! Je sais combien votre travail est difficile, éreintant, je ne peux que saluer l’engagement qui est le vôtre et qui est inhérent à vos professions. Je sais combien vous rencontrer nous est important, et ce qui est en jeu dans l’alliance thérapeutique ou le contrat que vous formez avec nous, et qui nous pousse vers une vie plus simple, plus libre et souvent plus heureuse. Ne lâchez rien !

À celles et ceux qui, comme moi, ont retrouvé une vie qui leur plaît, je ne peux que nous inviter à faire entendre nos voix, et à faire bouger les lignes, là où nous sommes et là où nous le pouvons. Je ne peux que nous inviter à dénoncer, à partager, à participer aux débats qui nous concernent. C’est l’engagement qu’on pris les médiateurs de santé pairs, les activistes et les militants, les auteurs… C’est un engagement que chacun d’entre nous peut prendre au quotidien, fièrement, à son échelle.

À tous, je vous souhaite une belle année 2021, qu’elle soit riche d’amour, d’amitié, de surprises, de découvertes ! Je vous souhaite à tous et toutes de trouver un abri en cas de mauvais temps, et de quoi vous réchauffer !

Je vous quitte en musique, avec un single de la chanteuse Ayo, « Help is coming » :

À la folie,

Sarah

6 réflexions au sujet de « CHEERLEADER! »

  1. Encore une fois, une vraie beauté et la justesse des mots dans ce que tu écris. Ça fait vraiment du bien! Longue vie à ce projet et à ceux qui te trottent dans la tête ! Une belle année à toi, qu’elle soit remplie de petites et de grandes joies! ❤️

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    1. Merci beaucoup, tes mots me font très plaisir! J’ai un joli regain d’énergie après quelques semaines en demies teintes, je compte bien en profiter pour étoffer les projets dans les cartons ;). Je te souhaite une belle soirée, à bientôt

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  2. Un grand merci Sarah pour ces mots si justes empreints d’humanité. C’est mon discours aussi, savoir s’aimer et s’accepter avec ses imperfections. Savoir qu’on est tous en lien, et que la souffrance est universelle..la joie aussi J’ai lu récemment un très bon livre, S’AIMER de Kristin Neff, qui parle de l’auto-compassion, je le recommande vivement.

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  3. Rhooo mais tu es énervante d’être capable d’écrire et décrire notre différence 😉
    Cela fait du bien de te lire si loin des froides injonctions de tous ceux qui « savent » sans éprouver.
    Merci encore !

    Question lecture, mais littérature, as tu lu « La femme de l’Allemand » de Marie Sizun ? Pour moi, une claque, violente, mais une fois encaissée, m’a ouvert bien des questionnements sur la mère que j’ai été et que je suis. Mère, oui, mais pas que.

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