Une Si Belle Folie?

Je m’appelle Sarah, je suis enchantée que tu t’arrêtes ici.

Je suis une malade mentale, une atypique, un cas psychiatrique.

J’ai été baptisée une seconde fois à 25 ans, du nom trouble de bipolaire.

Et la psychiatrie a envahi ma vie.

7 ans, c’est tout le temps qu’il m’a fallu pour me rassembler, me retrouver entière.

Me réapproprier chaque partie de mon être, être à nouveau une, être à nouveau aux commandes.

7 ans pour trouver la juste distance avec le moule dans lequel on m’a figée.

7 ans pour défoncer tous les murs qui ont été dressés.

7 ans pour oser être celle que j’ai toujours été.

Je m’appelle Sarah, j’ai de la chance.

Je sais toutes les sources ou j’ai pu puiser, tous les filets qui m’ont sécurisé.

Je suis une privilégiée, et je ne le sais que mieux depuis que tout s’est écroulé.

Je suis une privilégiée, ça n’annule pas la force et le courage.

Je suis une privilégiée, ça me donne de la force pour faire résonner notre rage.

La rage d’être enfermés, attachés, torturés, noyés, bâillonnés, rejetés,

La rage d’être volés du sens à donner à notre différence.

La solitude, et la violence de la « normalité »,

Et la douleur que l’on supporte jusqu’au point de rupture.

Je m’appelle Sarah et je suis une survivante,

Je ne suis pas fragile je suis cent fois plus forte.

Mais la machine broie et si je suis vivante,

Je dois parler fort.

Pour autant il y a deux combats,

Le premier est de retrouver la lumière en soi,

De trouver les ressources pour se panser et se penser,

De trouver les endroits où il fait bon se rassembler,

Réapprendre à naviguer sans devoir s’oublier.

Si aujourd’hui je peux parler,

C’est qu’en grande partie ce premier combat est gagné,

Et je souhaite partager ce qui m’y a aidé.

Une si belle folie, c’est l’aboutissement d’une épiphanie, celle de l’arrivée à l’HP pour la première fois, il y a 7 ans. Un besoin dans les tripes de faire péter les portes fermées, de soulager les cris sourds des mur. Arrêter le massacre, stopper l’hémorragie qui sème, amplifie, reproduit la souffrance psychique partout ou s’étend sa portée. Le besoin d’arrêter une machine à tuer.

Une si belle folie, c’est un désir d’informer sur l’état de la psychiatrie institutionnelle en France, sur ce qu’il se passe dans les murs, d’éclater le huis-clos. C’est dénoncer les fondements politiques et idéologiques du « soin » psychiatrique en France. C’est montrer que d’autres pratiques existent, en Europe et dans le monde, plus humaines, où l’émancipation et le bien-être sont les priorités.

Une si belle folie c’est une recherche d’alternatives, et de solutions d’entraide en dehors de la psychiatrie. C’est aussi, par une lucidité contrainte, des conseils pour pouvoir naviguer dans les parcours de soins français, car bien souvent il n’y a pas d’autre alternative. C’est aussi reconnaître la valeur de ce que mes thérapeutes m’ont transmis. Mes thérapeutes choisis.

Une si belle folie, c’est une certitude au cœur que chacun et chacune d’entre nous doit avoir le droit de maîtriser son récit, de vivre sa folie, ou de la circonscrire comme il ou elle le souhaite. Nos différences sont toujours et d’abord individuelles, et inscrites dans nos histoires, nos vécus. Une si belle folie, c’est une voix pour dénoncer le musellement de nos particularités, et ce qu’il dit de notre société.

Une si belle folie, c’est lutter contre la stigmatisation, la psychophobie et l’ignorance, proposer des représentations de la différence psychique à contre courant du discours médiatique et des déterminismes psychiatriques. C’est proposer à chacun et chacune d’interroger l’idée même de santé mentale, pour soi et pour les autres.

Une si belle folie s’adresse à toutes et à tous, sans distinction de genre, d’orientation sexuelle, de race, d’âge, ou de classe sociale. Les questions abordées ici se trouvent au carrefour de toutes les problématiques sociales et politiques.

Une si belle folie, c’est d’abord le fruit de mon expérience et de mes recherches. Beaucoup d’articles s’appuieront d’abord sur mon vécu, d’autres seront plus théoriques. Je m’autorise le droit de faire des erreurs, d’être maladroite, et de vivre mes propres contradictions. Je ne cherche pas à avoir réponse à tout, je n’ai pas la science infuse. J’apprends tous les jours, et j’attends de mes lecteurs qu’ils me suggèrent, me proposent d’autres visions. Je n’ai pas peur d’être bousculée, je n’ai pas peur de me transformer ni d’admettre que j’ai tort. Je ne tolérerais par contre aucune attitude gratuitement méchante ou malveillante. Les règles de l’échanges sont ici celles de la bienveillance et du respect des expériences de tous et toutes.

Une si belle folie, c’est une liberté de ton, de choix des mots, de choix des sujets. Je souhaite me permettre autant l’absence de détour que l’humour. Je ne veux pas minimiser l’horreur, mettre des mots convenables sur des souffrances insupportables. J’avertirai mes lecteurs, chaque fois que je jugerai que la lecture d’un article pourra être insoutenable pour certains.

Une si belle folie, enfin, c’est l’envie de partager nos expériences, nos difficultés et nos belles réussites. C’est l’envie de proposer des outils accessibles pour notre mieux être, de partager nos ressources, qu’il s’agisse de livres, de blogs, d’articles ou d’associations. C’est rompre notre isolement face à toutes ces questions.

À la folie,

Sarah.

Dans un soucis de lisibilité pour tous et toutes, je fais le choix de ne pas utiliser l’écriture inclusive pour chaque article, tout en me réservant la possibilité de le faire, ou de totalement féminiser certains textes.

3 réflexions au sujet de « Une Si Belle Folie? »

  1. Un blog comme le vôtre est une bénédiction. Nous sommes nombreux à vouloir bien que cachets pour trouver la stabilité et l’harmonie.
    Je suis en découverte et ce que j’ai déjà lu en introduction est tout à fait attirant.
    Trouver ses solutions, les partager, voir les solutions des autres s’en inspirer, être solidaire pour être plus fort.

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  2. Merci pour ton blog , une pépite pour quelqu’un comme moi qui a toujours cédé à la flemme d’écrire les traumatismes vécus à l’HP ( par peur de ressasser et par peur de la colère qui en découle)!
    Toutes ces anecdotes, de la plus drôle à la plus révoltante, toutes celles que les gens hors des murs peineraient à croire … Le manque cruel de moyens, qui parfois nous laisse des images de scènes bien plus flippantes que le dernier bon film d’horreur.
    J’ai lu 5 articles et saches que je préfèrerais largement un monde rempli de gens avec des états extraordinaires comme toi, que toute cette pseudo normalité de gens perdus entre stress et paraitre.
    Tu as côtoyé 7 ans l’HP du chu en France ?!! alors pour moi t’es une battante bien courageuse…Victorieuse d’avoir encore la rage et l’envie d’écrire après tout cela. Ton trouble ne te défini pas, nous avons tous nos mani/trouble/anxiété/maladie/carence/mauvaise passe etc Mais la société nous crie chut, de les taire (parfois avec des menottes:) alors on se tient sage. On ne dit rien quitte à imploser nous même un jour… Tout cela pour ne pas bousculer cette fausse normalité, ne pas prendre le risque de choquer l’autre avec nos pensées.
    L’autre, en face de nous, qui a l’air normal… avec des problèmes de travail classiques, qui rêve en secret chaque heure d’enlever son costume, pour courir faire des doigts à cloche pied devant la vitre de son DRH. L’autre avec qui, si nous avions partagé nos folies n’aurait peut-être pas eu peur de démissionner jusqu’au burn-out.
    Si j’avais su que la sagesse (comme véhiculée dans notre société) nous rendrait si pâles, si lisses et si hermétique à autrui … Tes textes pourraient aider à démystifier cette case folie dont beaucoup se retrouvent affublés. pourquoi ce mot sonne-t’il si péjoratif à notre époque pourtant malad-ô-normée ? J’aime ton écriture et ta folie elles sont magnifiques,continues s’il te plait. Rennes est magique*

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    1. Merci Niki, ton commentaire me fait chaud au cœur. Cette envie, de raconter toute l’ignominie du soin contraint, et des violences qui nous sont faites au quotidien s’est imposée dès la genèse de mes états extraordinaires: témoigner, d’abord, mais aussi reconquérir ma voix, ne plus être invisible, et participer à construire une parole d’usagers qui soit politique, combattive, car la tâche est énorme pour que nos folies reçoivent un accueil digne de nos humanités. Encore merci, ne lâchons rien. N’hésite pas à me laisser un message via le questionnaire de contact pour poursuivre les échanges, car, oui, Rennes est magie.

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