C’EST AUSSI UNE FORCE MAGNIFIQUE !

Au cours d’une soirée par ailleurs très agréable à refaire le monde, avec un ami et une amie, dans un nuage de fumées diverses, nous en arrivons à discuter de santé mentale : Comment tout peut se casser la gueule, très vite. Comment nous pourrions connaître et traverser des états psychiques inédits, un degré de douleur jusque là inexploré… Comment tout peut s’écrouler.
Je suis un peu en retrait, jusqu’à ce que je dise : « Je suis sûre que j’ai déjà vécu les états psychiques les plus catastrophiques de ma vie. »
Très vite, l’ami répond : « C’est n’importe quoi, tu ne sais pas ce qui peut t’arriver, je ne vois pas pourquoi tu dis ça. »
Comme je vois très bien, je lui explique que les états extraordinaires, les crises, les traumatismes de l’HP et les autres, bref, les douleurs explosives, suraiguës aussi bien que rampantes, les presque bascules suicidaires et tout le tintouin, je les considère être les pires états psychiques que j’aurai jamais à vivre.
Le gredin fait une tête de sceptique. Je crois même qu’il verbalise un « Je ne te crois pas. » ou « C’est pas possible de savoir à l’avance. »
Je rassemble ce qu’il me reste de pédagogie (je suis déjà un peu secouée par la discussion) : « Tu sais, pour traverser tout ce que je viens de décrire, j’ai dû mettre en place tout un système, aussi bien en thérapie, que par le biais du traitement. J’ai un système, une boîte à outil efficace. Je sais prévenir les crises et les amortir. Les événements tristes ou révoltants ne me ramènent jamais dans ces états là, parce que je sais les prendre en charge. »
Il est buté, et je m’énerve. Avant de lâcher l’affaire.
Heureusement que l’amie, elle a pigé, et essaye même de lui réexpliquer. Elle m’évite une pénible solitude.
Ce différent peut paraître anodin, ou sans importance, mais il ne l’est pas, car il n’est ni isolé ni rare. D’abord il montre une méconnaissance ou un désintérêt de mon histoire, de ces mois, de ces années noyées dans la douleur. Sûrement aussi un grand manque de lucidité sur ce que ma différence me demande d’efforts au quotidien, et combien ma vie est toujours très encadrée, et dans une certaine mesure médicalisée. Ou peut-être est-ce de l’indifférence ?
Je crois que ce qui me chagrine le plus, c’est qu’on me refuse une forme d’expertise de gestion de l’esprit troublé que je me suis fièrement construite, et qui, déployée à mon endroit est redoutablement efficace. Je crois sincèrement qu’aussi longtemps que je prendrais soin de moi, je ne vivrai pas d’état psychologiques plus dévastateurs que ceux que j’ai vécu. Il est hors de question de laisser qui que ce soit fragiliser cette certitude.
Ce type d’incompréhensions n’est pas rare, mais il fait toujours mal quand il sors de la bouche de proches ou de très proches. J’ai l’habitude que la plupart de mes amis ne voient que la partie émergée de ma différence, surtout lorsqu’il s’agit d’amitiés récentes. Ce qu’ils connaissent de mon histoire, c’est ce que j’ai voulu partager, et je ne m’étends pas avec tous sur les heures les plus sombres. Ils n’ont vu de ma différence que des « coups de mou », et que je fais attention à mes rythmes et mon hygiène de vie. J’aimerai qu’ils lisent entre les lignes…
… Mais aussi qu’ils me voient d’abord comme Sarah, et que cette différence ne soit qu’une toute, toute petite partie de mon identité.
Je ne cherche chez personne une compréhension globale et totale de tout mon être. J’aime les gens pour ce qu’on partage, et aussi pour ce qu’on ne peut s’offrir, pour ce qui abonde et ce qui manque, un mélange toujours inédit, toujours changeant.
J’ai besoin d’alliés solides pour prendre soin de moi, je sais vers qui me tourner pour me sentir comprise, écoutée, rassurée. J’ai besoin de tous pour me sentir vivante, joyeuse, légère, pour quitter mon nombril, pour apprendre d’autres différences.
Le gredin a un sacré sens de l’humour, il est généreux et sais raconter des histoires et notre amitié supporte les match de boxe, où parfois je prends une droite, où parfois j’assène le premier coup, où parfois, les coups restent suspendus, et c’est très bien comme ça.
Je ressens tellement cette situation !
cette différence, ce fossé entre soi et l’autre dans le vécu et le savoir qu’on en a tiré, que l’on mesure soudain au détour d’une conversation de ce genre. Mais en même temps, cette relative ignorance de ce qu’est notre réalité peut, en effet, être positive aussi parfois, nous permettre d’être autre chose, ou de n’être pas que ça.
Et c’est important que tu rappelles qu’on peut apprendre, qu’on peut mesurer et avoir ses garde-fous, ses outils, ses précautions. Que l’animal sauvage qu’est notre cerveau peut s’apprivoiser, aussi. J’ai hâte d’en découvrir plus sur tes apprentissages, ton expertise.
Question qui me brûle pour plusieurs de tes articles : les collages, ce sont tes œuvres ?
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Merci pour ton commentaire, ça me touche que tu te retrouves dans ce que je décris. Crions le haut et fort: nos cerveaux sont aussi fantastiques!
Je réalise les collages, avec mes petits ciseaux, c’est assez minimaliste, en général je n’utilise que deux images, un « fond » et un « perso », tu devrais essayer!
Bonne soirée, à bientôt 🙂
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Je fais beaucoup de collages 😀 mais avec plein de petits morceaux et encore trop souvent à visée « esthétique » uniquement (m’autoriser à faire des choses « juste » pour l’expression, pas simple…) Aussi, j’ai pas forcément beaucoup d’images à disposition (mon stock de magazines-journaux récupérés s’est réduit…), j’aime beaucoup comme tu combines les images, simple, efficace, très expressif, avec cette touche surréaliste 🙂
oups, j’ai digressé par enthousiasme !
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