Chers curieux, chères lectrices, aujourd’hui, après une loooongue réflexion, je vous annonce que je prends de petites vacances. Je ne vais pas vous retenir longtemps, mais je crois qu’une petite bafouille autour de cette décision et de l’idée de vacances s’impose.
Je vais aussi bien que possible, dans ce monde recroquevillé. Je me lève le matin, je participe à des projets qui me plaisent, qui ont du sens pour moi, je suis assidue dans toutes les activités que je me suis choisi. Je vois du monde, webcams interposées, tête-à-têtes et petits comités. Je vois du monde, de nouvelles et belles rencontres se frayent un chemin, ce qui semble être un miracle.
Je n’ai pas envie de vous parler trop du monde recroquevillé. J’arrive à le tenir à l’écart. Je suis révoltée et pourtant j’arrive à ne pas l’être à chaque instant. Je vois les directions qui sont prises, hygiène-sécurité-haine, l’accélération de notre prise en otage, la précarité partout, la vie mutilée… La nécessité de faire collectif, de faire corps. Je ne m’indigne pas à chaque instant, je n’y plonge pas tout mon cœur et toute ma tête de peur qu’ils n’étouffent, j’active souvent le bouton « off ». Je ne me sens pas coupable, il y aura de nombreuses batailles. Je ne me sens pas coupable parce que je reste active, à l’affût, affûtée, lorsqu’il s’agit de psychiatrie, lorsqu’il s’agit de lutter pour nos droits, lorsqu’il s’agit de travailler ensemble à un monde qui accueillera toutes nos différences.
Ce n’est donc pas l’actualité, ou la paralysie d’un état dépressif qui me ronge, mais la fatigue. La fatigue de maintenir le ciel lourd au loin alors qu’il est si près de nos têtes. La fatigue d’alimenter la foi, l’optimisme, de chaque jour devoir ensoleiller une vie qui ressemble à une île. Le sentiment de nager dans un courant trop fort.
Au fil d’USBF, je vous présente les outils avec lesquels je me construit une vie lumineuse et sereine. Ils ne sont pas obsolètes, au contraire, je les chéris, si je vais aussi bien que possible c’est grâce à eux. Ils ont besoin d’être renforcés, réactivés, nourris, tant le fil qui me lie à l’envie et à l’enthousiasme est ténu ces dernières semaines.
J’ai besoin de vacances. Pas forcément de repos, mais d’aller chercher un peu d’air neuf.

Ces vacances, j’aurai dû les programmer il y a plusieurs semaines déjà. Mais je ne sais pas prendre des vacances. Je suis incapable de vous proposer un article Boîte-à-Outil sur le sujet !
J’aurai dû les programmer il y a plusieurs semaines. Vous savez que j’écris la plus grande partie des articles d’USBF en avance, parce que je sais qu’écrire dans l’urgence altérera la qualité de ce que je propose. Ces derniers temps, le stock s’est dangereusement amenuisé. J’ai des idées d’articles à foison, j’ai mené des recherches extensives sur de nombreux sujets, et j’ai des brouillons et des esquisses plein les cartons. J’ai aussi quelques poésies, des textes plus légers, des choses que j’aime intercaler entre les articles, mais que je n’ai pas envie de déverser semaine après semaine, de publier pour publier.
Quand j’ai commencé USBF, j’ai pris un engagement, de moi à moi. Ce sont les plus redoutables. Je voulais publier un article par semaine sur une période d’un an sans discontinuer, pour me « prouver » que j’étais capable d’être régulière.
Ces dernières semaines, j’ai eu le plus grand mal à me mettre derrière l’ordinateur (pour autre chose que youtube, netflix et pinterest, j’entends). Et tout mon temps libre qui n’a pas été passé à écrire, à « produire », à « avancer », je l’ai vécu comme du temps perdu. Le poids de cette culpabilité d’être « oisive » sur des temps qui devraient être consacrés au travail est gigantesque.
Si j’insiste sur cette culpabilité, c’est parce que je pense qu’elle fait vraiment partie des choses qui m’empêchent d’aborder ne serait-ce que l’idée de prendre des vacances sereinement. Puisque je ne produis jamais les efforts « nécessaires », comment puis-je penser mériter des vacances ? Le pire, c’est que je suis une éternelle insatisfaite, et le niveau d’insatisfaction et de culpabilité est souvent complètement déconnecté de mes performances réelles.
C’est une vraie contradiction chez moi, parce que, théoriquement, je fais plutôt l’apologie d’un droit universel à s’affranchir de ces obligations à être performant, productif, à ne pas penser son temps comme utile, comme un capital à toujours exploiter…
Depuis l’explosion en 2012, j’ai traversé de longues périodes chômées, j’ai vécu quelques années au rythme de l’éducation nationale, un rythme de vacances nombreuses et programmées, et des années comme celle-ci, où j’ai des obligations toutes les semaines, plusieurs jours par semaine, en parallèle de projets d’écriture et de projets militants.
Peu importe mes activités, programmer des vacances ou profiter de vacances programmées à toujours été difficile. C’était déjà le cas avant 2012, mais les vacances de mon début de vingtaine prenant souvent la forme de truculentes aventures, et la soif d’explorer prenait le dessus.
Ce qui me déroute dans cet histoire de vacances, ce n’est pas seulement de délimiter un espace-temps sans travail. L’idée d’un « programme de vacances » m’effraie autant que l’idée d’avoir à inventer mes journées au jour le jour. Si la glande des vacances ressemble à la glande des non-vacances, quel intérêt ? Là encore, dans ma tête, les vacances doivent être utiles : sportives, culturelles, etc.
À en croire la rumeur, ce qui est revigorant dans les vacances, c’est aussi le fait de changer d’air, d’aller voir un autre coin de terre. Mais, et surtout si ces vacances succèdent une grosse période de travail, et à de la fatigue, il n’est pas garanti que je sois en état d’absorber un changement d’espace, de culture, de langue ! Ni de trimballer un gros sac, de changer de lit tous les soirs, de supporter la proximité avec une troupe de copains, ou d’encaisser des apéros quotidiens…
Je ne dis pas que je n’ai jamais profité de vacances ! Parfois la magie opère, notamment quand je peux me caler sur un rythme qui m’entraîne et booste mon humeur.
Pour écrire mes articles, j’ai besoin d’avoir envie, j’ai besoin de savoir que ce que je vous propose est lumineux, entraînant, réconfortant.
J’arrive au bout de la page 2 de mon logiciel de traitement de texte, et me rends compte que, comme d’habitude, je veux en faire trop.
Je vous retrouve au printemps !
Prenez soin de vous,
À la folie,
Sarah
Ah, comme je te comprends ! sur la culpabilité, la pression, l’incapacité à planifier des vacances. Tu vas nous laisser le temps de relire tes articles ou lire ceux qu’on a manqués, et les partager, et s’en nourrir, et réfléchir, et se consoler. Et tu vas j’espère trouver un peu de douceur, de repos et d’idées nouvelles ailleurs, ou juste dans le fait de t’autoriser à souffler. Te souhaite une bonne pause 🙂
J’aimeAimé par 1 personne